A Hongkong, la loi de sécurité nationale brouille l’avenir de l’Internet libre
2020-07-08 23:09:28
La nouvelle loi de sécurité nationale impose aux plates-formes Web de se soumettre aux demandes des autorités. Google, Facebook ou Twitter ont suspendu leur collaboration avec les autorités hongkongaises.
La « grande muraille numérique », l’appareil de censure chinois qui bloque l’essentiel des sites Web occidentaux va-t-il bientôt couvrir Hongkong ? Après l’imposition d’une loi de sécurité nationale au territoire semi-autonome par Pékin, le 30 juin, les géants de la tech Google, Facebook – et son service de messagerie WhatsApp –, Twitter ou la messagerie russe Telegram, ont annoncé suspendre leur collaboration avec les autorités hongkongaises pour la transmission de données personnelles.
La plate-forme vidéo TikTok, détenue par l’entreprise chinoise ByteDance, a même annoncé suspendre son application sur le territoire, mardi 7 juillet, « au vu des récents événements ». La loi oblige désormais les plates-formes Internet à répondre aux requêtes des autorités pour supprimer des contenus ou accéder aux données des utilisateurs. Contrairement à la Chine continentale, où ces sites sont bloqués, Hongkong bénéficiait jusqu’ici d’un accès libre à l’Internet mondial.
Avant même l’imposition du texte, dont le détail est resté secret jusqu’à son adoption le 30 juin, les Hongkongais prenaient leurs précautions : beaucoup ont nettoyé leurs comptes sur les réseaux sociaux de tout contenu potentiellement sensible. La loi imposée par Pékin confirme les inquiétudes des habitants.
« Il n’est pas évident de déterminer où se situe la frontière de ce qui peut-être considéré comme de l’indépendantisme, ou de l’incitation, ou comme de la haine vis-à-vis du gouvernement de Chine ou de Hongkong. Ces différents éléments qui décrivent des crimes liés à la parole ou à l’expression publique peuvent avoir une interprétation plus ou moins large et, pour l’instant, on est encore dans l’expectative. L’un des effets de cette incertitude, c’est l’intimidation », explique Séverine Arsène, chercheuse associée au Médialab de Sciences po et spécialiste des questions de gouvernance digitale en Chine.
Pour les entreprises, l’incertitude est aussi forte. Une explication de la loi, annoncée par le gouvernement de Hongkong lundi 6 juillet, stipule que, si la police suspecte qu’un « message électronique » représente une menace pour « la sécurité nationale », les autorités peuvent demander à la plate-forme, à l’éditeur ou au fournisseur d’accès de supprimer ou de restreindre l’accès au contenu, sous peine de prison pour ses responsables. Or, jusqu’ici, les plates-formes du Web se permettaient de juger de la légitimité des requêtes des autorités. Au second semestre 2019, Facebook a reçu 241 demandes de données d’utilisateurs de la part des autorités hongkongaises, mais n’a coopéré que dans 46 % des cas, d’après un rapport de l’entreprise.