« Dictionnaire amoureux de Montaigne », d’André Comte-Sponville : la chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit
2020-09-13 16:42:59
Exercice d’admiration, d’initiation et de partage, ce « Dictionnaire amoureux » est aussi exercice d’explication, au sens d’altercation, de confrontation.
MONTAIGNE, UNE LECTURE TOUJOURS AMICALE
C’est un ami qui aide à vivre. « Du fait qu’un tel homme a écrit, en vérité on a plus de plaisir à vivre sur la terre », déclare Nietzsche à propos de Montaigne – alors qu’il serait difficile d’en dire autant de Platon, Kant ou Hegel. Quatre siècles et plus se sont écoulés depuis la rédaction des Essais, mais leurs lecteurs toujours y rencontrent un homme, souvent un frère. Chacun ne cesse, avec Montaigne, de trouver matière… à quoi, au juste ? A penser, sans doute, mais sans gravité. A douter, bien sûr, mais sans drame. A « s’éjouir », surtout, en épousant heure par heure, avec son singulier mélange d’attention aiguë et d’abandon nonchalant, cet étrange métier de vivre – imprévu, fluctuant, vivace.
C’est ce que confirme à sa manière le philosophe André Comte-Sponville dans son Dictionnaire amoureux de Montaigne. Rarement un volume de cette belle collection aura si bien mérité son titre. Certes, il existe déjà un savant Dictionnaire Montaigne, riche d’une centaine de collaborateurs, sous la direction de Philippe Desan (Garnier, 2007), et des bibliothèques de commentaires, gloses et points de vue sont à disposition. Mais ce qui prime, chez Comte-Sponville, c’est d’abord la ferveur. Elle habite et nourrit cette vaste conversation avec le gentilhomme d’Eyquem. Avant tout, ce Dictionnaire… montre qu’avoir fréquenté Montaigne toute une vie n’émousse pas l’étonnement, n’atténue pas le plaisir.