Covid-19 : « Le tri médical est une réalité que le médecin qui s’y trouve contraint doit assumer »
2021-04-22 20:42:10
L’exposition médiatique tend à dramatiser le principe du tri des patients. Pourtant, cette « priorisation » est une pratique quotidienne « qui n’est pas immorale », mais procède d’un choix complexe, souligne dans une tribune au « Monde » Mathieu Acquier, médecin au CHU de Bordeaux.
Tribune. A l’aube de la « troisième vague » de Covid-19, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a déclaré, lors d’une conférence de presse, le 31 mars : « Le tri des patients n’est pas une option. » Cette prise de position n’est pas isolée : de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer qu’il n’est pas éthique de « trier » les malades. La société prend ainsi part à la question du tri médical. Pour pouvoir prendre pleinement la mesure de ce débat, il semble nécessaire de s’intéresser à ces notions par le biais d’une vision historique et philosophique de la médecine, et d’y apporter des éclairages de la réalité du terrain.
Le 13 mars 2020, au début de la crise sanitaire, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) indiquait dans un communiqué que, « le respect du principe d’équité étant une condition essentielle d’action en contexte de pénurie de ressources », il recommandait « que l’exigence de justice, au sens d’égalitarisme, soit pondérée par la nécessité de priorisation des ressources ».
La priorisation est ainsi la réponse proposée à la question de la justice distributive (visant une répartition juste des ressources), primordiale en médecine. Le tri médical en est sa mise en application. Les réflexions éthiques sur le sujet émergent dès la seconde moitié du XXe siècle.
Un fardeau pleinement éthique
A titre d’exemple, lors de l’ouverture, en 1960, du premier centre de dialyse rénale au Swedish Hospital de Seattle (Etat de Washington), un comité a dû être désigné pour déterminer qui seraient les dix personnes qui auraient la priorité pour accéder à cette technique de suppléance d’organe, sans laquelle le patient décède des complications de la maladie rénale terminale. Depuis, « les problématiques d’allocations de ressources, de rationnement et de triage sont désormais indissociables de pratiques médicales coûteuses mais de plus en plus courantes » (G. Lachenal, C. Lefève, V.-K.. Nguyen, La Médecine du tri. Histoire, éthique, anthropologie, PUF, 2014).