Rwanda : « Sur la France et le génocide des Tutsi, bien des points restent encore à éclaircir »

  • 2021-04-23 14:13:19
L’ancien député socialiste et corapporteur en 1998 de la mission d’information parlementaire sur le Rwanda Pierre Brana dresse, dans une tribune au « Monde », la liste des questions encore en suspens après la remise du rapport Duclert fin mars qui a permis, souligne-t-il, « d’établir un certain nombre de vérités ». Tribune. Secrétaire national du Parti socialiste (PS) pendant dix ans, puis député, j’ai été en 1998 corapporteur de la mission d’information parlementaire sur « Les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda, entre 1990 et 1994 ». Nous étions donc appelés à faire le point sur les responsabilités de la France au Rwanda et j’étais rapporteur au titre de la commission des affaires étrangères (la mission était mise en place par deux commissions de l’Assemblée nationale, les affaires étrangères et la défense). Un travail éprouvant qui a duré neuf mois et a abouti à un rapport très long, comportant en annexe nombre de documents et toutes les auditions (sauf quelques-unes à huis clos). Un événement : c’était la première fois que l’Assemblée se saisissait d’une question relevant du domaine « réservé » du président de la République. Ce président qui est alors, entre octobre 1990 (attaque du Front patriotique rwandais, formé d’exilés tutsi, contre le régime du président Juvénal Habyarimana) et juillet 1994 (opération « Turquoise » de l’armée française), François Mitterrand, même si, depuis mars 1993, la France est en régime de cohabitation, Edouard Balladur étant premier ministre. L’exercice de la mission d’information pouvait se révéler délicat en 1998 alors que la gauche était revenue au pouvoir. Sans revenir sur le passé, disons qu’il a été en effet délicat, et difficile.C’est dire que, trente ans après, j’ai pris connaissance avec intérêt et curiosité du rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert et décidée par le président de la République. Cette commission devait travailler à partir de toutes les archives et elle devait bien évidemment y avoir accès. Aveuglement Mon premier étonnement vient du refus de l’Assemblée nationale de communiquer ses archives, alors que la mission parlementaire était bien entendu une mission de l’Assemblée. On a pu objecter que certaines auditions avaient été faites à huis clos et donc que le « secret » s’imposait. Ayant été toujours présent, je peux le dire : ces auditions à huis clos n’ont rien apporté de particulier, et m’ont même paru souvent « formatées ». L’argument ne me semble donc pas tenir en ce qui concerne le refus de donner accès aux archives de l’Assemblée. Alors, quelle explication ? Le bureau de l’Assemblée, dont la majorité appartient à la formation du président de la République, doit s’expliquer sur ce refus qui va à l’encontre de la volonté affichée d’Emmanuel Macron.

متعلقات