Ethiopie : « Les Tigréens sont mis à genoux et dépossédés des moyens de se relever »
2021-06-07 04:32:24
Le chercheur René Lefort dénonce la « politique de la terre brûlée » qui frappe la province depuis que le gouvernement fédéral a déclaré la guerre aux autorités locales.
Tribune. Dès le début de la guerre en Ethiopie, le 4 novembre 2020, la province du Tigré a été coupée du reste du monde. Addis-Abeba avait un objectif affiché : éliminer les responsables issus des rangs du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), accusés de rébellion pour avoir exigé l’autogouvernement de la province, comme stipulé dans la Constitution, et d’exactions pendant leurs vingt-sept années d’hégémonie nationale.
Sous la pression de l’armée et de ses alliés des milices amhara et des forces érythréennes, l’appareil politique et militaire tigréen a été balayé. La guerre conventionnelle s’est achevée avec la prise de la capitale régionale, Mekele, le 28 novembre. Mais la grande majorité des Tigréens, civils ou membres des forces armées locales, n’ont pas pour autant signé leur reddition : ils se sont auto-organisés pour combattre « l’invasion » avec leur arme séculaire, la guérilla.
Malgré un accès très difficile à cette région située dans le nord de l’Ethiopie, des informations sûres ont fini par filtrer, corroborées par des médias internationaux, le système des Nations unies, des ONG de premier plan et des grandes puissances occidentales. On sait que la guerre a été d’une extrême violence dès son entame. Les troupes érythréennes, les forces régionales amhara et l’armée fédérale ont multiplié les bombardements d’agglomérations et les massacres, y compris de responsables religieux.
Le dernier connu, le 8 mai, a vu 19 civils exécutés juste au nord de Mekele, selon The Guardian. Un site éthiopien précise, noms à l’appui, que parmi eux, neuf enfants avaient moins de 10 ans et un bébé 1 mois. S’y ajoutent des exécutions sommaires, des viols, souvent collectifs et face à des membres de la famille, utilisés comme arme de guerre. L’ONU estime que plus de 20 000 victimes oseront demander des soins dans les prochains mois. Les camps qui abritaient 100 000 réfugiés érythréens ont été rasés.
Dans cette première phase de guerre conventionnelle, les troupes régionales tigréennes n’ont cessé de refluer. Hormis un massacre d’Amhara à son tout début dans la ville de Maï-Kadra, aucune preuve tangible d’exactions majeures de la part de Tigréens n’est parvenue.