Avec sa loi de sécurité nationale, Pékin a atteint son objectif : faire régner la peur à Hongkong… et au-delà
2020-07-05 19:12:45
Le flou dans la définition des crimes sanctionnés par la loi de sécurité nationale laisse une grande latitude à l’appareil sécuritaire du régime. Jusqu’à mettre fin au principe « un pays, deux systèmes » ?
Peu importent les critiques internationales, Pékin peut être satisfait. Rédigée dans le plus grand secret, la loi sur la sécurité nationale entrée en vigueur à Hongkong au moment même où elle était rendue publique – mardi 30 juin, à 23 heures – produit le principal effet escompté : les Hongkongais ont peur. Nathan Law, une des principales figures de l’opposition, a fait savoir qu’il était réfugié à l’étranger. Joshua Wong prend bien soin, depuis le 30 juin, d’apparaître comme « ancien » secrétaire général de Demosisto, un petit parti prônant l’autodétermination, dissous quelques heures avant l’entrée en application de la loi.
Cette peur s’explique : la première personne arrêtée, mercredi 1er juillet, n’avait fait que se tenir debout, bras croisés, une banderole appelant à l’indépendance de cette région administrative spéciale posée à ses pieds. Plus tard, on apprendra que porter en public un autocollant noir sur lequel apparaît le mot « conscience » ou « Free HK » suffit pour être arrêté pour « incitation à la subversion ». Certes, contrairement à Deng Xiaoping en 1989 place Tiananmen, Xi Jinping n’a pas envoyé les chars à Hongkong. Mais son objectif est le même : terroriser tout ce qui peut ressembler à une contestation du pouvoir du Parti communiste chinois.
Ce qui frappe à la lecture de la loi, c’est le flou qui entoure la définition des quatre nouveaux crimes, notamment le terrorisme. La simple « destruction de véhicules » en fait partie. « La définition du terrorisme est si vague et ouverte qu’elle pourrait s’appliquer à quiconque se fait l’avocat de changement politique. Les autres critères – notamment la “subversion de l’Etat” ou “l’atteinte à l’intégrité de l’Etat” – sont d’ailleurs régulièrement utilisés pour poursuivre des dissidents ou des critiques du gouvernement ou du Parti communiste, y compris le prix Nobel de la paix Liu Xiaobo et l’économiste ouïgour Ilham Tohti », note Sophie Richardson, responsable de la Chine pour l’ONG Human Rights Watch.